04 -_03_-_Action_Sociale_-_KhaimaRoger des Prés, agro-poète libertaire, dirige depuis vingt ans la Ferme du Bonheur à Nanterre, lieu de vie, de partage, d’agroécologie et de création artistique.

 

Coincée entre la nationale 186, des cités HLM, une maison d’arrêt et la Faculté de Nanterre, la Ferme du Bonheur est comme une petite pousse plantée au milieu du béton. Elle évoque à la fois la poésie de Prévert et l’ambiance foutraque de certains films de Fellini comme la Strada.

L’entrée des lieux, matérialisée par une porte en chêne vermoulue surmontée d’une cloche en bronze, se trouve juste en face du pôle archéologie et ethnologie de l’Université sur les plates-bandes duquel poules et moutons s’aventurent parfois.

A l’entrée de la Ferme, un sentier dallé serpente au milieu d’un petit verger, longe une roseraie et un potager avant de déboucher dans une grande cour. Grand gaillard barbu au regard doux, Rémy Barras, le chargé de communication et diffusion de la Ferme du bonheur, entrouvre la bâche d’une sorte de préau en bois pour nous accueillir. C’est le Favela-Théatre, explique t-il, un des lieux de diffusion des créations artistiques mitonnées par Roger des Prés. Une immense cheminée occupe le centre de ce bel espace meublé d’une longue table en bois brut et d’une ribambelle de chaises. Des paniers en osier accrochés à des poutres se balancent mollement à côté d’une grande volière où reposent des colombes.

C’est en 1993 que Roger des Prés s’est installé sur cette friche qui abritait autrefois une école primaire. C’est là qu’il a trouvé refuge après avoir été viré d’une ancienne usine d’Asnières qu’il occupait avec un bouc, un âne, des chiens, deux caravanes et un barda de spectacle. En 1997, la ferme a reçu de la mairie un avis municipal d’interdiction de recevoir du public, alors que le projet bénéficiait d’une aide de la Drac. « On est encore, aujourd’hui, sous le coup de l’interdiction au public par la municipalité, on est toujours précaire, sous payé, on bosse comme des chiens et le risque de devoir fermer est toujours présent. Mais, on est riche ! Riche d’humanité ! Riche de public », martèle Roger des Prés.

 

Humus, humain, humilité

Derrière le Favela-Théâtre, c’est la basse cour. On y trouve des poules, une ribambelle de paons et des espèces rares de lapins. Plus loin, des enclos abritent un vieil âne récupéré dans un poney club, un cochon et deux béliers. Les chevaux peuvent, eux, s’ébrouer sur une carrière recouverte de sable aménagée à leur attention. En 2013, Roger des Prés fête les 20 ans de la Ferme du bonheur. 65 représentations théâtrales et une soixantaine de concerts seront donnés d’ici la fin décembre. La programmation se fait au gré de ses coups de cœur : bals « électro », festival de danses et musiques traditionnelles, représentations théâtrales comme Le rêve d’un homme ridicule de Dostoïevski», une nouvelle qui traite du devoir de bonheur, ici et maintenant. En juillet 1993, ce libertaire lance une « contre-Fêt’nationale ». Carte blanche est donnée à quiconque souhaite exprimer l’idée qu’une seule nation est digne d’être célébrée : la terre.

Espace d’expériences culturelles, la Ferme du Bonheur est aussi un lieu de rencontre, de brassage et d’action sociale. Roger des Prés accueille, à sa table, comme il aime le dire « les mendiants et les rois, le flic et le voyou, le jeune et le vieux », autour d’un repas fait de légumes récupérés des surplus de paniers-bio locaux, de viandes, crèmeries et fruits glanés auprès des commerçants du marché du Vieux Nanterre.

Il y a trois ans, il a lancé un Noël Clochard qui réunit à la ferme, le 24 décembre, une centaine d’exclus du Cash (Centre d’accueil et de soins hospitaliers), des Restau du cœur, du Secours populaire et de plusieurs autres foyers sociaux.

La dernière croisade de Roger des Prés se nomme le Pré : le Parc rural expérimental. « Je suis usufruitier de fait de 2 hectares sur l’axe historique de la Défense », s’enflamme t-il évoquant ces terres qu’il s’emploie à soustraire de l’appétit des promoteurs. Tous les dimanches, accompagné de ses moutons, de ses chiens et de quelques dizaines de bénévoles, il part défricher, bêcher, planter sur des remblais recouvrant les autoroutes A 14 et A86. En ce brumeux dimanche printanier, deux femmes s’affairent autour d’une bande de potager coincé entre la ligne du RER et des tours. Derrière elles, en arrière-plan, se dessinent la Grande Arche de la Défense et les tours du quartier d’affaires. Son projet ? Travailler les terres avec des bœufs et des chevaux et mettre en place, ici à quelques centaines de mètres de la Défense, toutes les alternatives à l’agro-industrie pour montrer et démontrer « la beauté et la bonté des systèmes agricoles traditionnels».

 

Eric Tariant

 

Contact :

La Ferme du Bonheur

220, avenue de la République

92 000 Nanterre.

Tél : 01 47 24 51 24

 

 

Pour aller plus loin :

Lire :

La Ferme du Bonheur. Reconquête d’un délaissé. Nanterre ; par Roger des Prés(Actes Sud, 2007).

Consulter le blog de la Ferme du Bonheur : http://lafermedubonheur.over-blog.net/

 

Au Programme de cet automne-hiver à la Ferme du Bonheur :

Réouverture de la Table d’hôtes fin septembre.

Trois électro d’Bal (octobre, novembre, décembre).

La Ferme géante de la ville de Nanterre en novembre.

Le Noël Clochard le 24 décembre.

Les habituels rendez-vous hebdomadaires d’agroécologie au Champ de la Garde sur le P.R.É, tous les dimanches.

Six représentations théâtrales autour de textes de Rimbaud début novembre.