Sa capacité d’indignation face aux injustices et aux violences du monde est restée intacte. A 75 ans, Jean Ziegler est de tous les combats.

Rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, il s’insurge contre l’abandon des cultures vivrières au profit des biocarburants qui constitue à ses yeux un véritable «·.crime contre l’humanité·» à l’heure où plus de 900 millions de personnes sont gravement et en permanence sous-alimentées à travers le monde. Elu au Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, il dénonce 

le «·carnage·» commis par le gouvernement d’Israël à Gaza, durant l’hiver 2008-2009. «·L’inhumanité infligée à un autre détruit l’humanité en moi », vitupère t-il citant Emmanuel Kant. Ses détracteurs le traitent de Savonarole suisse, lui reprochent les approximations de ses analyses. Le sociologue et ancien homme politique suisse balaie d’un revers de main ces attaques émanant «·d’intérêts·» que sa verve pamphlétaire dérange. Il a reçu, en décembre dernier, le Prix littéraire des droits de l’homme pour son dernier livre «·La haine de l’Occident·». Le jury a reconnu les «·qualités de forme et de fond de l’ouvrage d’un homme engagé au niveau planétaire au service des peuples les plus exploités au monde ».

Réquisitoire sans appel contre le capitalisme financier globalisé et sur les violences qu’il suscite dans les pays du Sud, «·La haine de l’Occident·» est le dernier tome d’une trilogie entamée par Jean Ziegler en 2002. Dans son premier opus, «·Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leurs résistent·», il dénonçait «·les nouvelles féodalités·» que constituent, à ses yeux, les sociétés multinationales privées de l’industrie, de la banque, du commerce et des services qui mènent une guerre économique permanente qui opprime et détruit les plus faibles. La violence de cet «·ordre cannibale » suscite aujourd’hui une véritable «·haine de l’Occident·». Pour désarmer cette haine et réamorcer le dialogue, Jean Ziegler invite l’Occident à se départir de son arrogance et de son double langage et à entendre les revendications de repentance, de justice et de réparation qui émanent des pays du Sud. A entendre cette «·mémoire blessée·» qui resurgit aujourd’hui après un long silence.

Eric Tariant

 

Lire·: La haine de l’Occident (Albin Michel. 2008)