Les·vies en toute liberté de Sylvain Gillot
Berger, apiculteur et agri-sculpteur, Sylvain Gillot a construit sa vie en marge, mais non coupé du monde moderne. Animé par un profond désir d’indépendance, il vit avec sa famille, en quasi autarcie, des légumes de son potager et des fruits du verger. Sylvain conçoit lui-même ses vêtements, ses meubles, ses ustensiles de cuisine et les jouets de ses enfants. Il créé des sculptures et bijoux qu’il commercialise dans son atelier, dans des galeries d’art et sur des foires bio.
Posée au bord de la rivière, en contrebas de la route départementale qui relie Ancy-le-Franc à Dijon, Perrigny-sur-Armançon, son église paroissiale et son joli pont de pierres semblent faire un pied de nez au temps qui passe. C’est dans ce village de 115 âmes que vivent Sylvain Gillot, sa compagne Linet et leurs deux enfants. Sylvain est berger, apiculteur et agri-sculpteur. «·J’ai toujours voulu mener de front ces deux activités·: le travail agricole qui vous enracine et la création artistique qui vous libère de l’attraction terrestre. Deux activités qui permettent de se relier au vivant. Cette connexion est indispensable. Les règnes végétal et animal ne peuvent être dissociés du règne humain. ».
Mû par une irrépressible quête d’autonomie, par la volonté de ne pas dépendre d’autrui pour se nourrir, se vêtir et se loger, il s’est choisi des métiers qui lui permettent de vivre de son travail, en quasi autarcie, tout en épanouissant ses talents. «·J’avais envie de rompre avec ce système. L’idée de m’enfermer dans un métier me rebutait », lance -t-il.
Devenir berger était pour lui un véritable choix de vie synonyme de liberté, de nomadisme et de transhumance. Une démarche presque philosophique et spirituelle. «A l’âge de 18 ans, j’ai relu la Bible. J’étais fasciné par la figure du berger. Tout jeune, j’étais aussi très attiré par les tziganes. J’admirais leur intransigeante soif de liberté, leur style de vie et leur musique. Ce mode de vie me paraissait juste intuitivement. J’avais l’impression d’être en accord avec moi-même en vivant cette vie de berger.»
Son troupeau est composé de quelques 80 moutons de races anciennes menacées de disparition comme la Noire du Velay, la Solognotte et la Grivette. Pour les protéger des rigueurs de l’hiver, il a construit de ses mains une bergerie tout en bois, au sommet d’une colline, à quelques kilomètres du village. Un lieu imprégné d’une beauté tranquille, propice au ressourcement et à l’inspiration.
«·Je leur rends visite, tous les matins sans faute, même le dimanche, pour voir comment ils ont passé leur nuit. On n’écoute pas sa fatigue et on y va.»
Sylvain a pris soin d’aménager une couchette en surplomb de la bergerie afin de surveiller les agnelages, la nuit, sans perturber les brebis.
Il élève ses moutons pour leur laine et non pour leur viande. «·Il est important, souligne -t-il, que le mouton retrouve son caractère de bête lainière. A l’origine, avant que le textile synthétique ne foute tout cela en l’air, le mouton était destiné à vêtir les hommes grâce à sa laine.»
L'image du berger avec son troupeau est une référence prégnante dans l'imaginairede Sylvain Gillot tout comme la notion de nomadisme. «·J’aime emmener mes animaux d’un pré à un autre vers une parcelle bien verte. C’est comme si on leur faisait un cadeau. Quel plaisir de voir leur panse s’enfler à vue d’œil.·»
Sylvain Gillot tond la laine avant de la faire laver, carder et tricoter. Il dessine ses vêtements à partir de patrons. Ceux-ci sont ensuite fabriqués par des sociétés –toutes des scoop- sélectionnées pour la qualité et l’éthique de leur travail. Ses laines noires du Velay donnent de beaux tricots marrons, les solognotes de moelleux pulls beiges et les grivettes des vestes et gilets en feutre qu’il commercialise sur des foires et salons bios aux côtés de bijoux et meubles en bois faits sur mesure.
Sylvain a installé une partie de ses ruches à quelques dizaines de mètres de sa bergerie afin de conserver un lien toute l’année avec ses abeilles et voir ainsi si elles disposent de suffisamment de nourriture. Il est venu à l’apiculture après s’être essayé aux plantes médicinales, pour produire ses propres tisanes et autres remèdes naturels, toujours dans un désir d’autarcie. «·Les fleurs et plantes m’ont amené aux abeilles. Avoir des ruches, c‘est aussi une façon de vivre le nomadisme tout en étant sédentaire. Je déplace les ruches, je les emmène de champs en champs sur des emplacements stratégiques pour produire des miels types, » souligne le jeune paysan.
Sylvain Gillot ne se conçoit pas comme un producteur l’œil rivé sur les kilos de miel, de laine ou de légumes sortis de sa vingtaine d’hectares de terres. «·Je ne travaille pas pour être rémunéré. Le but du potager n’est pas le résultat en soi. Il s’agit aussi de suivre la germination de la plante depuis la graine que l’on sème jusqu’à la récolte des légumes. C’est tout le processus qui est intéressant avec ses joies et ses peines (le gel, la sécheresse, les doryphores qui mangent les pommes de terres, la fièvre catarrhale qui frappe les moutons). Il faut être convaincu et puiser sa force ailleurs en arrivant à capter l’énergie de l’environnement qui vous entoure. La connexion avec l’au-delà est fondamentale. Vivre sans spiritualité, c’est se déconnecter du vivant. »
Berger, il est aussi agri-sculpteur, une expression qu’il revendique. C’est en bricolant une ruche que Sylvain s’est découvert, un beau jour, un talent pour la sculpture. «·Je travaille à l’atelier tous les jours une fois que tout le reste est réglé. La priorité, c’est le vivant, les animaux et les plantes. Il faut que mon esprit ne soit pas happé par autre chose.·»
Si vous passez dans le Sud-Est de l’Yonne, faites étape à Perrigny-sur-Armançon, rue grande dans l’atelier qu’il partage avec sa compagne, l’artiste Linet Andrea, pour admirer ses gracieuses sculptures animalières. Elles sont réalisées en taille directe à partir de bois de chêne ou de frêne qui sont ensuite patinés avec de l’ardoise, du pollen ou de la cochenille, puis vieillis. Une petite poule en bois aux courbes séduisantes voisine avec des objets usuels comme cette gracieuse bouteille que l’on croirait sortie d’un tableau de Morandi ou ce pot pour les moissons inspiré de pots en terre de Saint-Amand-en-Puisaye. «·J’ai vu cette pièce, tout mouflet, au-dessus de la cheminée de mon grand-père. Cela me trottinait dans la tête. Je prends beaucoup de plaisir à cette activité. Mais je n’en attends rien. Il est important d’être détaché, sinon, l’on peut être très déçu. »
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Un monde dans le monde
Sylvain Gillot
8, Grande rue
89·390 Perrigny-sur-Armançon
Tél·: 03 86 55 97 87