Après de longs séjours en Afrique et en Afghanistan, Alain Chevillat a trouvé sa vocation en Inde·: faire savoir que la dimension spirituelle est la clé de voûte d’une vie individuelle et le fondement d’une société juste et équilibrée. Il a créé l’Université Terre du Ciel des savoirs et des sagesses du monde, en Saône-et-Loire, pour transmettre ce message.

Ils sont main dans la main sur la scène du Centre des congrès d’Aix-les-Bains. Un rabbin, un prêtre catholique, un swami, un témoin de la voie Soufie, branche spirituelle de l’Islam, côte à côte avec un lama et un évêque orthodoxe. Le XXe forum Terre du ciel s’achève sous les applaudissements de plus de 1000 personnes venues écouter, le temps d’un week-end, des intervenants de toutes cultures et traditions. Le thème de ce forum interreligieux et interdisciplinaire ? Une vision juste pour une action juste.

Un axiome cher à Alain Chevillat, le directeur de Terre du Ciel. La soixantaine épanouie et enthousiaste, l’œil pétillant et le rire facile, il se présente volontiers comme un autodidacte. Il a créé, il y a près de vingt ans avec sa femme Evelyne, cette structure destinée à témoigner et à transmettre des valeurs de spiritualité, d’écologie et de solidarité.

«·Notre but·? Montrer qu’il est important d’être relié à des valeurs spirituelles pour agir de manière juste et transformer la société. Toutes les fausses pistes ont été empruntées par défaut de vision juste,·» lance avec conviction Alain Chevillat.

Terre du Ciel·? Ce fut d’abord une revue de spiritualité sur laquelle sont venus se greffer des rencontres, des séminaires, des stages et des voyages avec les auteurs des articles. En 2004, les activités ont été restructurées pour former l’Université Terre du Ciel des savoirs et des sagesses du monde. 20·000 journées pédagogiques y ont été délivrées en 2008 auprès de 5·000 personnes par quelques 150 enseignants, tous intervenants extérieurs.

Posé au milieu des champs, le long d’une route départementale qui relie Louhans à Bourg-en-Bresse, le domaine de Chardenoux est le navire amiral de Terre du ciel qui dispense aussi des formations dans deux autres lieux en France durant l’été et dans le désert Mauritanien l’hiver. Trois corps de bâtiments se lovent au milieu d’un parc de 20 hectares composé de bois et de prés glissant en pente douce vers un petit étang. Cheminant sur les pelouses du parc, on tombe nez à nez avec un buste de Gandhi dressé à l’ombre d’un tilleul. Plus loin, le long d’un sentier gravillonné, on croise une statue de Saint-François d’Assise avant de découvrir, en quittant le domaine, le visage rayonnant d’Ananda Mayi, l’une des grandes figures spirituelles de l’Inde contemporaine.

«·Il est très rare, unique même, me semble-t-il, de trouver un lieu de rencontres interreligieuses qui soit ouvert aux différentes facettes de la représentation du Vivant sans promouvoir pour autant telle ou telle tradition,·» insiste Yacine Demaison, membre d’une confrérie soufie, spécialiste de la culture musulmane et président de la Fédération du scoutisme français.

Le domaine de Chardenoux est la base logistique de toutes les activités de Terre du Ciel. C’est là que sont éditées les deux revues·: Sources, revue de spiritualité vivante de toutes traditions et Alliance, trimestriel de transformation sociétale. Là que se déroulent la plupart des stages, séminaires, rencontres et retraites qui s’enchaînent toute l’année sous la houlette du maître des lieux. Terre du Ciel est structurée en quatre instituts dédiés au développement personnel, à la spiritualité, à la transformation sociétale et, last but not least, à l’approfondissement de la tradition spirituelle de l’Inde.

 

Un rebelle en quête de sens

Audacieux, d’une énergie débordante, Alain Chevillat peut parfois se montrer un peu abrupt tant est grande sa volonté de faire aboutir ses multiples projets. «·Il a un côté visionnaire. Il est toujours un peu en avance, un peu décalé, sans jamais se faire récupérer par le système. Il a une réelle capacité de mener à bien ses projets, avec persévérance en s’entourant et en suscitant des vocations,», souligne Nadine Deswasière, ancien directeur général chez Nestlé, présidente du cabinet spécialisé EthiConseil.

C’est à l’âge de 29 ans qu’est née sa vocation. Adolescent rebelle et frondeur, révolté par le matérialisme et l’hyper-rationalisme de la société occidentale des années 1960, le jeune homme multiplie les voyages en quête de sens. Il part s’immerger plusieurs mois d’affilée, en Zambie, en Côte d’Ivoire puis en Afghanistan, à la recherche de lieux encore préservés du modèle de développement occidental, d’un art de vivre juste et authentique. «·Cette quête m’a amenée en Inde. Après vingt-neuf ans d’insatisfaction, de refus et de recherches, j’avais touché au port, sourit Alain Chevillat. C’est là, en Inde, que j’ai eu la compréhension de la clé de voûte du système. Qu’est ce qui fait qu’une société est juste ou non·? Qu’une vie a du sens ou n’en a pas·? C’est la présence de la dimension spirituelle. C’est cette expérience personnelle qui relie l’être humain à la source de vie lui donnant lumière, énergie et pensée juste.·Une société qui l’ignore ne peut être qu’en perdition.»

Il vient de trouver un but à sa vie·: faire savoir que Cela –la dimension spirituelle- existe. De retour d’Inde, en 1974, il créera, avec sa femme Evelyne, plusieurs structures pédagogiques alliant transformation personnelle et transformation sociale, avant de fonder Terre du Ciel.

Aujourd’hui à Chardenoux, des maîtres et enseignants de toutes Traditions côtoient des figures de l’écologie, du monde de l’économie solidaire, de la santé et de l’éducation.

 

Bâtir l’avenir

En août dernier à Terre du Ciel, à l’occasion des rencontres «·Bâtir l’avenir, l’émergence d’un nouveau paradigme·», les visiteurs ont pu écouter et deviser avec Jean-Marie Pelt, l’écrivain et professeur de biologie végétale, Pierre Rabhi, le paysan-philosophe, chantre de l’agro-écologie et Rajagopal, l’animateur du mouvement Ekta Parishad qui défend, en Inde, les droits de millions de paysans sans terre. Etaient présents, à leurs côtés, une ribambelle de femmes et d’hommes, les petits «·colibris·» chers à Pierre Rabhi qui s’emploient en silence à éteindre l’incendie. Et à tenter de donner un visage humain à notre futur en multipliant les réalisations innovantes·: éco-hameau associant enfants scolarisés et retraités dans le respect et l’enrichissement mutuels·; société coopérative de production travaillant à développer, dans la solidarité et avec sens de l’éthique, un territoire rural en voie de désertification…«·C’est très important d’allier la spiritualité à d’autres domaines d’engagement tels que l’économie, la politique, l’écologie ou les actions sociales,·» souligne l’éditeur Alain Noël pour lequel Terre du Ciel joue, en ce domaine, un rôle de précurseur.

En cette fin d’été, Alain, Evelyne et leur équipe d’une vingtaine de salariés peaufinent l’organisation du XXI forum de Terre du Ciel qui se tiendra à Aix-les-Bains du 7 au 9 novembre. Celui ci se propose de faire entendre la voix des femmes pour créer un monde plus ouvert et généreux, un monde où la coopération et le respect mutuel l’emportent sur la compétition et la logique guerrière. Sont attendues notamment Juliette Binoche, Coline Serreau, Marie de Hennezel et Georgina Dufoix…

 

 Alain Chevillat en quelques dates :

1944·: naissance à Lyon

1973·: premier voyage en Inde et découverte de sa vocation

1975·: création, à Lyon, d’une première entreprise d’édition de textes de spiritualité. Organisation, en parallèle, de conférences, stages et séminaires

1990·: création de la revue Terre du Ciel suivie en 1991 par la première Université d’été

1999·: Terre du ciel s’installe au Domaine de Chardenoux en Saône-et-Loire

2000·: rédaction de la Charte de l’Europe des consciences

2004·: lancement de la revue Alliance pour une Europe des consciences

 

Citation

"L'utopie est un mirage que personne n'a jamais atteint, mais sans lequel aucune caravane ne serait jamais partie."

Proverbe arabe

LIRE AUSSI