Un entretien avec P.V. Rajagopal

Né en 1948 au Kérala, P.V. Rajagopal est le fils d’un ouvrier gandhien. Il étudie l’agriculture à Sevagram, l’ashram de Gandhi, pour devenir ingénieur agronome.

Sur les pas du Mahatma, il s’engage très tôt dans les luttes sociales non violentes. En 1970, il parvient, dans la vallée de la Chambal dans le Madhya Pradesh, à convaincre plusieurs centaines de bandits -d’anciens paysans dépossédés de leurs terres- à déposer les armes et à se constituer prisonniers en échange de terres fertiles et d’une éducation pour leurs enfants. Ce sera sa première victoire.

Il crée en 1991 une ONG d’inspiration gandhienne, Ekta Parishad qu’il préside depuis. Celle ci accompagne les combats des plus pauvres, principalement les paysans sans terre oubliés du « miracle économique » à mieux contrôler les ressources qui leurs permettent de subsister : la terre, l’eau et la forêt. Il lutte à leurs côtés pour obtenir la redistribution des terres, la réforme agraire tout en oeuvrant pour la promotion de l’agriculture paysanne et biologique.

Considéré comme le nouveau Gandhi, Rajagopal a organisé en 2007 la marche de Janadesh pour le droit à la terre qui a rassemblé 25 000 personnes pendant un mois sur les routes de l’Inde. Pour maintenir la pression sur le gouvernement indien qui tarde à tenir ses engagements (réforme agraire, redistribution des terres), il prépare la Marche Jan Satyagraha qui réunira, au mois d’octobre 2012, plus de 100 000 personnes de Gwâlior à Delhi sur 350 km.

 

 

Vous êtes né en 1948, l’année de la disparition de Gandhi. Que représente Gandhi pour vous ?

Je suis en effet né l’année où Gandhi a disparu. Je n’ai donc pas eu la chance de le connaître. Mais mon père était membre du Mouvement pour l’indépendance de l’Inde. L’esprit de Gandhi était donc bien présent au sein de ma famille. Très rapidement, mon père s’est engagé à faire la promotion des conceptions économiques de Gandhi :vie communautaire, travaille en commun (production de Kadhi, filage à la main). L’idée était de créer des emplois de base dans les villages. J’ai été élevé dans une école qui privilégie une éducation qui présente des similarités avec les pédagogies de Freinet et de Steiner. Gandhi dénonçait l’emprise de l’éducation britannique et de tout un processus qui rendait les Indiens esclaves. Il redoutait que les Indiens appréhendent le monde à travers le prisme du modèle britannique, qu’ils pensent et se comportent comme des Britanniques. Gandhi a invité les Indiens à revenir à leur propre système d’éducation, à leurs origines. J’ai grandi avec l’esprit de Gandhi. J’ai adopté ses idées. Pour moi, Gandhi n’est pas un sujet de discussion mais une invitation à agir.

 

Quand avez-vous décidé de consacrer votre vie aux plus pauvres ?

J’ai toujours côtoyé la pauvreté dans ma vie. Puisque mon père était engagé dans le combat pour la liberté, c’était à ma mère qu’incombait le rôle d’élever les enfants. Ce ne fut pas facile pour elle. J’ai vu la pauvreté de près. Je comprends ce que cela signifie. Quand j’étais jeune, j’étais déjà très concerné par la souffrance des gens du fait de ma propre expérience mais aussi de mon éducation gandhienne. « Aide ceux qui sont plus dans le besoin que toi. Donne,» insistait Gandhi.

Mon engagement social a commencé en 1970. A l’époque où je suis arrivé dans la Chambal valley dans le centre de l’Inde, une région où sévissaient de nombreux bandits. C’était un endroit très violent. Je voulais savoir s’il serait possible de passer d’une culture de violence à une culture de paix. C’était le challenge. Ce fut très dur.

C’est à ce moment, vers l’âge de 22 ans, que ma volonté de travailler pour les plus pauvres commença à poindre. Je voulais transformer les bandits mais aussi travailler avec les plus pauvres. Très rapidement, j’ai réalisé que les luttes contre la « violence physique » étaient insuffisantes tant que régneront pauvreté, injustice, corruption et dénuement. J’ai alors d’entreprendre des campagnes contre la violence structurelle. La non-violence n’est pas seulement une théorie. C’est quelque chose qu’il faut mettre en pratique. Ce sont les pauvres qui souffrent en premier lieu de la violence. Ils sont dominés par les forces économiques, exploités par les plus éduqués et oppressés par les plus forts.

Je ne supportais plus cette pauvreté autour de moi. Que puis-je faire me suis-je demandé ? C’est à ce moment là que nous avons décidé de former des jeunes. Tout a commencé en 1978, il y a plus de 30 ans. Nous avons réuni des jeunes dans une classe en leur demandant : « Que devons nous faire pour changer la situation ? Quels sont nos problèmes ? D’où viennent –ils ? Qui les a créés ? Quelles méthodes pouvons-nous utiliser pour combattre ces problèmes ? » Ces jeunes âgés de 20 à 30 ans, de différentes religions, étaient tous non éduqués ou illettrés. Nous avons réalisé des programmes de formation comprenant du théâtre, des chants, des jeux. Ils venaient passer une dizaine de jours à nos côtés, à discuter, se former. Il s’agissait d’inviter tout le monde à réfléchir et à débattre.

Ces jeunes sont ensuite rentrés dans leurs communautés. Là, ils se sont organisés pour combattre la pauvreté, l’injustice, la privation, la corruption, l’inégale répartition des ressources naturelles. C’est comme cela que tout a commencé.

Le système est très oppressif. On a voulu m’acculer, me coincer. Les journaux, la bureaucratie, les hommes politiques se sont levés contre moi. Ils ont voulu se débarrasser de moi. J’ai vécu une période très difficile. Il m’a fallu dix à quinze ans pour parvenir à me faire accepter. Quand vous représentez une force, les hommes politiques et la bureaucratie ont besoin de vous. Ils ne peuvent plus s’opposer à vous quand vous êtes reconnu.

 

Vous êtes vous appuyé sur la pensée de Gandhi pour agir, sur les pistes qu’il a tracées ?

J’ai été aidé par la pensée de Gandhi mais aussi par de nombreux jeunes venus de la base, par les pauvres avec lesquels je travaille, mais aussi par la communauté internationale. Il est plus facile de mener des actions charitables que d’essayer de changer le système. Quand vous vous opposez au système, tout est fait pour tenter de vous écraser et de se débarrasser de vous. De nombreux militants en lutte contre le système ont été tués en Inde. J’ai eu la chance d’en réchapper. Cela n’a pas été facile. Car la mafia est très puissante en Inde. Elle est partout : mafia des terres agricoles, mafia du bois ou de l’eau… Quand vous travaillez au côté des plus pauvres contre la mafia votre sécurité n’est pas garantie.

 

Quels sont les mécanismes qui ont conduit de nombreux paysans indiens à sombrer dans la misère ?

Il ya tout un faisceau de causes. L’irrigation n’est pas très développée en Inde. Nous n’avons pas assez d’eau pour irriguer les champs. Les paysans achètent des engrais et des pesticides en s’endettant auprès des banques. Si la pluie tarde à venir, année après année, le paysan est complètement ruiné. Les agriculteurs sont en grandes difficultés car ils dépendent complètement des aléas climatiques et du manque d’eau. Quand les agriculteurs ont besoin d’argent, ils empruntent auprès des banques ou de riches Indiens à des taux d’intérêt très élevés. Une bonne part de leurs gains va servir à rembourser ces intérêts. Nous sommes dans une culture familiale dans laquelle les parents sont sensés prendre en charge l’éducation et le devenir de leurs enfants. Les paysans sont amenés à emprunter pour organiser les mariages de leurs enfants et pour payer leur scolarité. Ces dépenses contribuent encore à accentuer leur endettement. Ceux qui ne peuvent plus faire face se suicident. C’est un véritable fléau social.

Il était prévu, à l’origine, que l’Inde devienne une économie mixte, une économie qui accorde autant d’importance à l’industrie qu’à l’agriculture. Mais aujourd’hui, toutes les ressources et subventions vont à l’industrie. L’agriculture est négligée. Les réformes agraires, les programmes de redistribution des terres ou de promotion de l’agriculture ont été négligés au profit de l’industrie. Tout va à l’industrie : les terres, l’eau, l’argent, le marché. Celle ci s’est ainsi rapidement développée avec le soutien du gouvernement.

Nous demandons au gouvernement de se concentrer davantage sur l’agriculture qui n’est pas assez soutenue. Les petits paysans perdent leurs terres tandis que parallèlement les gros exploitants se construisent des domaines de plus en plus grands. L’agriculture est devenue industrielle. Or, en Inde, aujourd’hui encore, 70% des gens vivent de l’agriculture. Le gouvernement devrait prêter plus d’attention à cette population. Cette situation inique explique pourquoi il y a tant de frustration parmi les agriculteurs indiens. Les petits paysans se suicident pour attirer l’attention sur leurs malheurs. C’est une situation tragique.

Notre action consiste à forcer les autorités à changer leur attitude à l’égard de l’agriculture.

 

Dans quelle mesure les multinationales sont-elles responsables de la pauvreté des populations indiennes ?

Les multinationales exploitent les ressources naturelles de notre pays. La colonisation a aggravé la pauvreté en accaparant les ressources du pays. Les Britanniques sont devenus un pays riches car ils ont exploité les pays du Commonwealth, l’Inde notamment.

Il n’est pas inutile de rappeler l’état dans lequel les colonisateurs ont laissé leurs anciennes colonies. Ils ont détruits leurs structures et leurs ressources.

En outre, les colonisateurs ont introduit un système de valeurs qui a été adopté par les élites autochtones qui en sont venues à penser comme les Britanniques ou les Français. Ces valeurs qui nous ont été imposées interfèrent dans nos façons d’agir. Il est devenu plus difficile, de ce fait, de soutenir et de défendre nos cultures locales.

L’Occident nous a imposé un modèle de développement. Beaucoup d’Indiens veulent désormais vivre comme les Britanniques, les Américains ou les Français. Nous sommes devenus prisonniers de ce rêve occidental introduit à grand renfort d’opérations de marketing. Les sociétés occidentales sont responsables de nous avoir vendu un rêve néfaste. L’Occident a exporté dans les pays en développement des produits dont nous n’avions que faire comme les produits chimiques ou les sodas. Ces exportations, qui gonflent les profits des multinationales, fragilisent les pays du Sud. Les pays riches ont utilisé les sciences et les technologies pour exploiter les pays en développement et non pour les aider et les libérer de la pauvreté. Je tiens le monde occidental responsable de nous avoir imposé un modèle de développement qui ne tient aucun compte des réalités locales. Nous sommes aujourd’hui dans une situation où nous nous trouvons complètement pris au piège. Nos façons de pensée sont complètement influencées par la pensée occidentale. En Inde, les leaders d’opinions, les décideurs et autres planificateurs sont sous la coupe du mode de pensée occidental. Ils ne sont plus capables de raisonner à l’échelle de leurs économies locales, à l’échelle des gens de la rue. Les lobbies occidentaux sont eux-aussi très influents sur le terrain à Delhi comme à Bamako. Ils disposent du pouvoir financier et de techniques marketings efficaces pour vendre leurs produits et propager leur vision du monde. « Ne cédez pas les terres aux paysans pauvres, ils n’en feront rien », soutiennent-ils. Donnez les plutôt aux industriels qui en feront bon usage. » Les actions des lobbies contribuent à générer plus de chômage. Les indiens savent cultiver la terre, ils sont très doués pour cela. Pourquoi les priver de leurs talents ? En accaparant de plus en plus de terres, les multinationales forcent les paysans pauvres à se réfugier dans les bidonvilles qui gonflent à la périphérie des grandes villes. C’est un cercle vicieux dont sont en grande partie responsable les pays occidentaux. Nous avons besoin de dérouler cet écheveau. Il faut désormais décoloniser les consciences. Faudra-t-il attendre l’effondrement complet des économies des pays du Nord pour prendre conscience que l’Occident fait fausse route?

 

Quel était l’objectif de Janadesh, cette marche entreprise en 2007 à Delhi ? Quand avez-vous décidé d’organiser cette gigantesque manifestation populaire ?

Janadesh s’est construit pas à pas depuis 1978. Nous avons commencé par faire de petits Janadesh à l’échelle des états au niveau local. Nous avons organisé de longues marches. Puis, nous nous sommes dit qu’il fallait combattre autrement si nous voulions obtenir des changements. Que veut dire Janadesh ? La volonté, le verdict du peuple. Il nous a fallu trois années de dur labeur pour mobiliser les gens, les associations, la communauté internationale, les media et rassembler toutes les ressources pour parvenir à nourrir 25 000 marcheurs pendant un mois. Il fallait que tous ces marcheurs n’oublient pas les leçons de la non-violence. Après Janadeseh, nous avons signifié au gouvernement que si rien ne changeait nous organiserions en 2012 une marche de 100 000 personnes sur les routes de l’Inde. On ne peut plus faire demi-tour, il faut avancer ou mourir.

 

Comment êtes vous parvenus à transmuer la colère, l’exaspération des plus pauvres en une force d’action non violente ?

Il est bon que les hommes soient révoltés, qu’ils soient en colère. Le problème en Occident est que les peuples ne sont plus en colère, ils ne savent plus s’indigner. Il est important que les gens soient en colère. Mais, il faut les aider à la contrôler de façon à aboutir à des résultats concrets. J’ai formé un très grand nombre de jeunes. Nous les avons aidés à exprimer leur colère, à la verbaliser pour ensuite agir. Il faut du temps et de l’énergie pour canaliser la colère, la transformer en une force d’action positive.

Mais ne nous leurrons pas, notre action se traduit aussi par la création de conflits. L’essentiel est de savoir jusqu’où il est possible d’aller, créer des conflits tout en contrôlant leur développement. C’est une science. Quand 25 000 personnes occupent la rue, vous créez un énorme conflit entre le peuple et le gouvernement de l’Inde. Il faut savoir gérer ce conflit. J’ai appris cette science en m’inspirant des combats de Gandhi mais aussi auprès des gens de la rue.

 

Qu’avez -vous obtenu à l’issue de cette marche de Janadesh en 2007 ?

Nous avons obtenu quatre succès majeurs. Le gouvernement indien a décidé de mettre en place un Comité pour la réforme agraire au niveau national dirigé par un ministre ainsi qu’un Commission nationale de la terre placée sous l’autorité du premier ministre Indien. Le gouvernement a décidé de donner des terres aux populations des communautés tribales. Chaque famille tribale se verra accorder 2,5 hectares de terre. Le gouvernement a, par ailleurs, décidé de ne plus expulser de leurs terres les cultivateurs par la force. Il n’y aura plus de manifestation de force à l’égard des cultivateurs qui ne veulent pas vendre leurs terres.

Va être mis en œuvre également une politique de réhabilitation à l’égard des paysans qui ont été déplacés. Ceux-ci devront recouvrer leurs biens.

Ces résultats concrets ont eu un impact positif. Mais, en Inde, c’est une chose d’obtenir un engagement sur le papier, c’en est une autre de parvenir à ce que ces engagements soient respectés sur le terrain. Il nous faut continuer de nous battre pour parvenir à faire appliquer ces décisions. Dans la foulée de Janadesh, nous continuons d’organiser des manifestations et des marches de protestation. C’est un travail permanent, 24h sur 24, sans temps mort. Je ne cesse de voyager à travers le pays pour parler aux gouvernements, organiser des meetings et des marches. Nous préparons la Marche Jan Satyagraha 2012 qui réunira plus de 100 000 personnes de Gwâlior à Delhi sur 350 km.

 

 

Pensez-vous que le modèle de développement économique prôné par Gandhi  pourrait résoudre les problèmes économiques mondiaux ?

Si nous avions la capacité et le courage, à travers le monde, de revisiter nos modèles économiques, je pense que le modèle gandhien fonctionnerait. Le modèle Gandhien ne permettrait pas qu’une minorité d’hommes devienne très riche ; il n’y aurait pas de Bill Gates, ni de Lakshmi Mittal. Un tel modèle permettrait à tout homme de vivre dignement. Le monde serait plus heureux. Les grandes inégalités ou disparités de richesses sont sources de heurts et de violence.

Si nous voulons créer un monde meilleur, le don deviendra essentiel. Partager nous rendrait tous plus heureux. Pour y parvenir, il faut passer par une éducation morale gandhienne. Accepter qu’autrui prenne appui sur mes épaules pour progresser. Aujourd’hui, tout le monde veut s’élever mais personne ne propose à l’autre de l’aider, de s’appuyer sur lui pour avancer. Des initiatives comme lutter pour plus de justice, pour une économie plus juste doivent venir du peuple. De telles initiatives manquent aujourd’hui dans ce monde globalisé dans lequel le marché est devenu dominant. Un monde où tout le monde rentre en compétition contre tout le monde, où chacun veut être plus gros que l’autre, gagner plus que l’autre. La théorie Small is beautiful qui était aussi celle de Gandhi a été oubliée. Je pense qu’une économie gandhienne créerait un monde meilleur.

 

Quel regard portez-vous sur la crise systémique que nous connaissons ? Celle-ci va-t- elle conduire à la fin de la globalisation ?

Je pense que cette crise peut avoir un effet positif. Elle peut amener à s’interroger, à se poser les questions que l’on se pose quand on est souffrant. Il faudrait d’abord analyser et comprendre pourquoi on en est arrivé là. Ce qui ne marche pas. A défaut d’adopter cette démarche, on se limitera à rapiécer l’ensemble du système sans résoudre les questions essentielles qui sont les suivantes : quelle est notre attitude vis à vis de l’argent ? Comment multiplie -t-on l’argent ? Pourquoi en fait-on un mauvais usage? Pourquoi en abuse t-on ? La spéculation et la création artificielle de monnaie pourraient être combattues. Il faut également revisiter le rôle et la place de l’économie.

Il est intéressant de voir que l’on s’intéresse de plus en plus à l’économie locale. Celle ci est le seul moyen de s’en sortir pour l’humanité. Aujourd’hui, les villes ont tendance à s’étendre de plus en plus. Elles le font au détriment des surfaces agricoles. Elles absorbent de grandes quantités d’eau et de terre prélevées au détriment des besoins des agriculteurs. Cette économie artificielle détruit les ressources locales, l’économie locale. Je ne cesse de dire au gouvernement : ne détruisez pas l’économie locale. Les paysans ne demandent rien. Ils veulent juste qu’on les laisse vivre et cultiver en paix. Il faut respecter les peuples et les cultures locales faute de quoi l’on ne fera que gonfler les bidonvilles insalubres et grandir la misère. La seule façon de combattre les gouvernements est de réunir des gens à travers une idéologie politique. Il faut aussi s’adjoindre dans ce combat des forces morales et spirituelles.

 

Votre combat consiste aussi à tenter de contrecarrer l’action les multinationales…

Nous menons un combat important contre Monsanto que nous avons en grande partie gagné. Nous nous battons contre l’appropriation des semences et de l’eau. Nous voulons empêcher que des firmes comme Pepsi et Coca Cola ou des compagnies électriques s’approprient toute notre eau. Il faut que la population puisse avoir accès à l’eau. Beaucoup de ces combats sont aussi des combats pour la terre. Nous avons remporté de multiples succès. La société Tata a du déménager dans un autre état. Coca Cola et Enron ont subi aussi des revers et ont du renoncer à certains marchés.

 

Vous essayez de construire un mouvement international de coordination des luttes sociales et paysannes. Quel est votre objectif ?

Je n’ai pas l’ambition de devenir un acteur international. Mais, je sais que faute de devenir un mouvement international, nous ne pourrons obtenir l’appui et la solidarité dont nous avons besoin dans notre combat. Je souhaite faire connaître l’esprit d’Ekta Parishad dans les pays de la communauté européenne. C’est pourquoi nous avons créé Ekta Parishad Europe.

Le succès de Janadesh, le fait d’avoir démontré que la non violence fonctionne, fait peser sur nous une responsabilité. Nous avons désormais un rôle à jouer sur le terrain de la non violence, de la mobilisation des masses, du dialogue et de la pression sur les autorités gouvernementales. Nous disposons d’une expertise dans ces différents domaines dont nous pouvons faire bénéficier les autres.

 

Quelles sont les racines de cette force intérieure dont vous témoigniez ?

La force vient déjà du désir de voir les choses changer. C’est un espoir qui me traverse tout le temps. C’est encourageant de voir que cette volonté, cet esprit sont partagés par de nombreuses personnes. L’enthousiasme vient aussi des réussites, du soutien que l’on vous apporte. Il faut veiller à ce que ces succès n’alimentent pas votre ego. C’est là qu’intervient la vie spirituelle. Celle-ci aide à rester humble tout en agissant.

« Si les branches de l’arbre portent des fruits, celles-ci ploieront. Si l’arbre ne porte pas de fruit il restera droit » dit un poème indien. Une façon d’exprimer que plus l’on entreprend, plus on est souple et humble.

 

Propos recueillis par Eric Tariant

 

 

Pour aller plus loin :

www.ektaparishad.com

 

 

 

 


Citation

"L'utopie est un mirage que personne n'a jamais atteint, mais sans lequel aucune caravane ne serait jamais partie."

Proverbe arabe

LIRE AUSSI